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L’amour mystique, variété de l’amour platonique, consiste à rapporter à Dieu, beauté éternelle, amour créateur, le sentiment que la nature a établi entre l’homme et la femme, et que les Grecs indiscrets avaient étendu à la nature entière, sans distinction de règne, d’espèce ni de sexe. Du reste, de même que l’amour platonique, et bien plus encore que l’amour platonique, l’amour mystique tend à une continence absolue, à la castration mentale : ce qui emporte toujours la négation de la sexualité, et finalement de l’amour même.

L’origine de ce mysticisme se confond avec celle des religions. Sans parler des mystères aphrodisiaques, qui y conduisaient, on sait que chaque cité se regardait comme unie conjugalement à un dieu, qui la prenait sous sa protection et à qui elle se dévouait par un culte spécial. Les prophètes sont pleins de cette idée : Jéhovah a trouvé la cité israélite nue et proscrite ; il l’a recueillie, épousée, chargée de parures et d’or ; la Loi est son contrat de mariage, le fameux Cantique son épithalame.

« La poésie mystique de l’Inde a pour texte habituel l’amour passionné et extatique de l’âme pour son créateur. Cet amour, le plus éthéré et le plus saint que l’homme puisse sentir, s’y exprime par les images sensuelles du Cantique des cantiques, mais avec une candeur d’expression que l’hébreu lui-même n’atteint pas. On y sent la nudité innocente de l’homme et de la femme dans la pureté sans tache et sans ombre d’un autre Éden. » (Cours familier de littérature, par M. de Lamartine, citation du baron d’Ekstein.)

Le christianisme, condamnant la chair et tout attachement à la créature, devait porter au plus haut degré l’amour mystique, le développer, l’enseigner sous toutes les formes, en faire un précepte et une condition de saint. — « Je vous ai fiancés tous à un seul époux, dit Paul aux Corinthiens, au Christ, comme une vierge chaste. Le