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le régissent tour à tour : Loi d’égoïsme, Loi d’amour, Loi de Justice.

Ainsi le christianisme devait reprendre les choses au point où les avait laissées le polythéisme, faire pour le mariage ce qu’il faisait pour l’esclavage, ce qu’il avait fait pour toute sa théologie. Ce fut en effet ce qui arriva.

Témoin de la dégradation des mœurs domestiques, de l’hypocrisie du mariage, de l’insociabilité de la famille, des misères de la prostitution, des horreurs de l’amour pédérastique ; frappé en même temps de la logique, au moins apparente, du concubinat, si commode, si populaire ; convaincu, du reste, par la théorie platonicienne autant que par ses monstrueux résultats, que le véritable amour n’est pas de ce monde, n’appartient point à des natures mortelles, le christianisme condamna la chair, nia, du point de vue religieux, la sexualité ; quant à la vie terrestre, affirma en principe la communauté des femmes, mais se contenta, dans l’application et par forme de tolérance, du concubinat.

Le christianisme, en un mot, prit pour point de départ le terme où s’étaient arrêtés les philosophes de l’école de Socrate et d’Épaminondas, l’unisexualité spirituelle.

Au fond, tandis que le polythéisme, en instituant le mariage, s’était borné à appeler la Justice au secours de l’amour, le christianisme, faisant un pas de plus, prononça la subordination de celui-ci : en cela il servit le progrès, et prépara la formule supérieure de l’institution. Dans la forme et d’après la lettre, le christianisme fit plus que subalterniser l’amour, il le réputa à péché et le condamna : toute sa discipline fut inspirée de cette condamnation.

J’ai cité déjà le mot du Christ, à qui l’on demandait lequel, de sept maris auxquels une femme avait successivement appartenu, lui resterait après la résurrection :