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charmes sont à tous et le cœur à personne ; la femme désormais sera épouse, ou du moins compagnonne.

Doucement, s’il vous plaît ; n’allons pas plus vite que l’histoire. La défense de la fornication ne levait pas, pour la majorité des fidèles, la difficulté économique du concubinat. Aussi, admirez le tour imprévu que prit l’affaire. Puisque, sous le nom de fornication, c’était avant tout le culte des dieux que le concile avait voulu atteindre, le péché, pensait-on, cesserait, si les chrétiens, au lieu de recourir aux saintes du paganisme, s’adressaient à leurs sœurs, c’est-à-dire à des femmes de leur secte, avec lesquelles ils ne couraient aucun risque de manger des viandes défendues. — « Nous sommes tous membres du Saint-Esprit, disaient-ils dans leur jargon ; nous ne pouvons nous unir aux filles de Vénus, à des membres du démon. Mais les sœurs ont reçu comme nous le Saint-Esprit : comment perdrions-nous l’Esprit en nous unissant à elles ? »

Telle fut l’origine des amours libres entre frères et sœurs, c’est-à-dire entre chrétiens et chrétiennes, amours dont la coutume passa jusqu’au quatrième siècle et motiva ces accusations de promiscuité que les églises rivales portaient les unes contre les autres, et qui retentirent tant de fois devant les tribunaux de l’empire. L’église de Pergame, où dominait Nicolaüs ; celle de Thyatire, qui n’était pas encore fondée en 96, sont dénoncées dans l’Apocalypse comme outrepassant la limite posée par le concile, en permettant aux frères non-seulement la jouissance des sœurs, mais la fréquentation des bosquets de Vénus et la participation aux festins des courtisanes, fornicari et manducare de idolothytis. On les compare pour ce fait à Balaam, qui, d’après le livre des Nombres, avait conseillé à Balac, roi de Moab, d’envoyer des filles aux Hébreux pour les initier au culte de Belphégor, et par