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qui auraient eu l’intelligence des symptômes, la médication était indiquée.

Il fallait, en premier lieu, rétablir le vrai sens de l’amour, qui est le sacrifice et la mort ; définir l’essence du mariage, tant au for intérieur qu’au for extérieur ; déterminer le rôle moral de la femme dans la famille et la société ; éteindre enfin, par la supériorité du nouvel idéal, cette luxure dévorante qui, faisant de l’union des deux sexes un commerce insipide, les poussait à des jouissances contre nature et à leur négation mutuelle.

Ces conditions, toutes de moralité personnelle, supposaient en outre, exigeaient une réforme générale des rapports économiques : division des grandes propriétés foncières, latifundia ; abolition de l’esclavage, rétablissement des libertés locales et politiques. Sans liberté et sans égalité, il n’y a mariage ni famille qui se soutienne : cette vérité est de tous les siècles, et jamais son application ne fût venue plus à propos. L’homme alors redevenu travailleur et citoyen, la femme ménagère et première institutrice des enfants, l’amour rasséréné, le mariage remis en honneur, la prostitution tombait d’elle-même, le concubinat s’anoblissait, l’horreur publique aurait fait justice du reste.

Mais une révolution qui se produisait au nom du ciel ne pouvait procéder avec cette sagesse, et moins que de personne on devait l’attendre des prédicateurs de l’Évangile. Le christianisme réagit contre la dissolution des mœurs païennes de la même manière qu’il réagit contre l’esclavage, l’exorbitance des propriétés et l’autocratie de l’empereur : il changea, avec grand accompagnement d’anathèmes, les termes de la question ; il ne la résolut point. Comparée à la théorie romaine, la théorie chrétienne du mariage fut même un pas rétrograde.