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Le Romain, esprit positif et sévère, impitoyable comme son épée, n’a pas l’air de s’y connaître. L’Alexis de Virgile, imitation de Théocrite, est un exercice de poëte philhellène, pour l’amusement de la fashion de Rome. Tous les traits de cette églogue sont tirés du lieu commun : c’est un nom de garçon mis à la place d’un nom de jeune fille. Virgile se met à la mode, voilà tout. C’est bien pis du Ligurinus d’Horace ; on dirait le singe de Bathylle. Cicéron se permet quelque part, sur ce honteux sujet, une plaisanterie qui prouve tout juste qu’il n’est point initié à la chose. Ne cherchons pas d’autres citations. Je ne puis dire si Trajan, qui fit faire l’apothéose de son Antinoüs, avait poussé jusqu’au bout la délicatesse de Socrate et d’Épaminondas : je le voudrais pour sa gloire ; ce qui est sûr, c’est que les Césars, à l’exception peut-être de l’imbécile Claude, furent tous, au rapport de Suétone, des infâmes.

À l’exemple des empereurs, sénateurs, chevaliers, plébéiens, tout le monde sodomitisa. Car, dans cette Rome impériale, il fallait que tous, riches et pauvres, jouissent comme César : l’ordre social était à ce prix. Déjà nous savons que la femme, comme la frumentation, le bain, le spectacle, chose de première nécessité, se délivrait à peu près pour rien. Mais ce n’était plus assez que la femme. Un immense commerce de mâles se faisait par tout l’empire pour les joies du peuple-roi, une vraie conscription, dont Sénèque se lamente ni moins ni plus que s’il s’agissait des dîners à cent mille francs par tête, et du vomitoire. Transeo puerorum infelicium greges, aqmina exoletorum per nationes coloresque descripta, quos post transaeta convivia, aliæ cubiculi contumeliæ expectant. C’est ce crime de lèse-humanité que dénonce l’Apocalypse, lorsqu’il montre la nouvelle Babylone sous la figure d’une courtisane qui porte écrit sur le front :