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qui sont encore à cette heure en cours d’établissement, et n’ont pas rapporté, tout compte fait, 10 p. 0/0 de leurs capitaux. C’est donc le produit d’un déplacement. Quel avantage ce déplacement de capitaux et d’industries a-t-il procuré à la multitude travailleuse au service des compagnies ? Rien, qu’une dépendance plus absolue, un surcroît de cherté et la perspective d’un salariat perpétuel.

Vainement prétendez-vous que l’augmentation de richesse finira par atteindre le prolétaire, que la masse est intéressée à ce qu’il existe une aristocratie riche, comme le gouvernement est intéressé à ce qu’il y ait des rentiers de l’État. Avec la féodalité industrielle, ce progrès est mathématiquement impossible. Ce qu’elle fait aujourd’hui, elle le fera demain, elle ne peut pas cesser de le faire. Fausse balance, faux poids, fausse mesure, fausses écritures, fausse statistique : voilà son principe, son idée, sa méthode, sa justice, sa fin. Ôtez-lui cette condition d’existence, vous la tuez.

Quoi que vous fassiez donc, sous ce régime d’iniquité systématique, vous tournez dans ce cercle, qui résume tous vos prétendus progrès :

La multiplication spontanée des hommes amène le déficit des subsistances ;

Le déficit des subsistances pousse à l’aggravation du travail ;

Le travail, ramenant l’abondance, provoque de nouveau la population ; et ainsi à l’infini.

Mais ce n’est pas tout.

Le travail, par sa répugnance même, surexcite l’industrie, la science, l’art, en un mot l’esprit.

L’excitation de l’esprit augmente la sensibilité, étend l’idéal, multiplie en proportion le besoin, rend plus insupportable la pauvreté.

Or, quand vous aurez tourné pendant cent générations