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nec plus ultrà du sentiment, si le hasard ne nous avait conservé la suivante, À une Femme…. Je n’entreprendrai pas de la traduire ; je croirais violer la Poésie elle-même. Mais je nie, pour Sapho comme pour Anacréon, le sens que l’opinion commune donne à ces vers. Ce qui m’étonne dans toute cette poésie socratique, platonique, anacréontique ou saphique, comme on voudra l’appeler, c’est l’extraordinaire chasteté de la pensée aussi bien que du langage, chasteté qui n’a d’égale que l’ardeur de la passion. M’explique qui pourra, dans l’hypothèse d’un amour impie, cet inconcevable mélange de tout ce que la tendresse la plus exaltée, la pensée la plus sévère, la poésie la plus divine, pouvaient offrir de traits pénétrants, d’images gracieuses et d’ineffable harmonie, avec ce que la rage des sens aurait fait inventer de plus atroce ; quant à moi, une pareille alliance du ciel et de l’enfer dans un même cœur me paraît inadmissible, et je reste convaincu que, s’il y a là-dessous quelque horreur, elle est toute nôtre.

XXVI

J’avoue cependant, et en cela je ne fais que suivre ma propre pensée, j’avoue que cet érotisme homoïousien, quelque spiritualiste qu’en soit le principe, n’en demeure pas moins un délit contre le droit mutuel des sexes, et que ce mensonge à la destinée, après de si beaux commencements, méritait d’avoir une fin épouvantable.

Un des interlocuteurs de Plutarque, celui qui défend la cause de l’amour androgyne ou bi-sexuel, fait à son adversaire, qui protestait au nom des sectateurs du parfait amour contre les accusations dont on les chargeait, l’objection suivante : Vous prétendez que votre amour est pur de tout rapprochement des corps, et que l’union n’existe qu’entre les âmes ; mais comment peut-il y avoir