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Justice, après avoir fait repousser le mariage comme étranger par sa nature à l’amour, aboutit à l’hallucination la plus exécrable.

Il y a, suivant Plutarque, deux espèces d’amour : l’amour vulgaire, qui, comme on vient de voir, n’est pas de l’amour, et l’amour céleste, qui est universel et n’a point de sexe, οὐδετέρον γένους. Il est absurde de faire consister l’amour uniquement dans l’instinct qui pousse un sexe vers l’autre : toute puissance qui porte les êtres à s’unir est amour ; tout ce qui réunit à un degré supérieur les conditions de la force, de la beauté, de l’intelligence et de la vertu, est propre à l’inspirer.

Définition hyperbolique, Dieu sait où elle nous conduira.

Cette idée de la non-sexualité de l’amour est exactement la même qu’exprime Jésus-Christ, quand il apprend aux Saducéens, adversaires de la résurrection, que dans le ciel, séjour de l’amour parfait, il n’y a plus d’union conjugale, neque nubent, neque nubentur, mais que tous sont comme des anges, des êtres neutres, devant la face de Dieu.

Le véritable amour, continue Plutarque, n’a donc plus rien des défectuosités de la matière et du dévergondage des sens, rien de mou, de lâche, d’efféminé. Allumé dans une âme généreuse, il se résout, à force de se purifier par sa propre flamme, en vertu, είς ἀρετὴν τελευτά. Et il cite en exemple la célèbre courtisane Laïs, qui, devenue amoureuse, quitta aussitôt son commerce et sacrifia tous ses amants, sa fortune, sa gloire, à l’homme qu’elle avait choisi. Lucien rapporte des faits bien autrement étranges : des hommes qui, dégoûtés de tout commerce charnel et possédés du véritable amour, passaient leur vie dans les sanctuaires des déesses, obtenant des gardiens, à prix d’or, la permission de contempler leurs statues sans