Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/258

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que la femme légitime, l’amour tel que le veut l’âme humaine, l’amour idéalisé devient impossible entre les deux sexes, bien qu’il n’ait d’autre principe que leur différence, d’autre but que leur union : il faut ou renoncer à l’amour, ou sortir de la sexualité.

Les anciens n’avaient que trop bien suivi cette analyse ; ils comprenaient merveilleusement que la beauté, au physique comme au moral, est immatérielle, que l’amour qu’elle inspire est tout entier dans l’âme, que par conséquent la volupté que procure la possession n’a rien non plus de la chair, et que tout le plaisir que nous percevons de ce côté est passion et illusion. L’acte vénérien est ridicule, dégoûtant, pour celui qui en est témoin, pénible et triste pour l’acteur, qui y perd le sentiment et la liberté. L’âme y sent quelque chose de honteux. Je hais, dit Hippolyte dans Euripide, une déesse qui a besoin des ténèbres. Le christianisme en a fait un des signes de notre déchéance, et il est sûr que les cyniques n’ont pas réussi à le réhabiliter. La nature elle-même semble d’accord avec la théologie : Post coitum omne animal triste.

Où donc, se demandait l’homme de l’antiquité, où trouver l’amour sans lequel je ne puis vivre, et que je ne puis saisir ni avec ma femme, ni avec ma maîtresse, ni avec mon esclave ? Où est-il, cet amour, feu follet qui ne se montre que pour tromper les hommes ? J’ai trouvé la femme plus amère que la mort, s’écrie Salomon ; il désigne évidemment, non pas la personne, mais le sexe. Néant partout, amour nulle part : que reste-t-il, conclut le roi dévot, sinon de servir Dieu et de s’endormir dans l’égoïsme ?

XXIII

C’est ici qu’il faut suivre la marche de cette séduction idéaliste, qui, faute d’une intelligence suffisante de la