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plus rapide que la corruption des mœurs publiques par l’idéalisme politique, métaphysique ou esthétique ira plus grand train, et vice versâ.

Esquissons en traits rapides les moments de cette dissolution.

Après avoir, par un acte de sa spontanéité religieuse, posé le mariage, l’esprit, obéissant à la loi du développement intellectuel, étudie ce symbole et en cherche la raison philosophique. Problème difficile, dont la solution exige de nombreuses connaissances, et ne peut par conséquent lui être sitôt donnée. Comme il ne découvre qu’une cérémonie tout extérieure, un rite superstitieux, sans réalité apparente, l’esprit nie le mariage ; c’est-à-dire qu’il ne reconnaît du mariage que la partie purement civile, relative à la position des parties vis-à-vis des tiers et au droit des enfants : ce qui assimile le mariage à un marché dans lequel l’amour n’a rien à faire, la conscience des époux rien à voir.

C’est ainsi qu’à Rome la forme religieuse du mariage, la confarreatio, par laquelle l’époux s’engendrait spirituellement son épouse avant d’engendrer de celle-ci des enfants, tomba en désuétude. La coemptio, puis l’usucapio, produisant, quant au for extérieur, les mêmes effets, on en conclut avec Ulpien que le contrat était tout, la cérémonie insignifiante ; que ce qui faisait le mariage était la volonté de s’unir, consensus facit nuptias, plus, certaines stipulations concernant les apports et acquêts.

La famille ainsi établie sur une base douteuse, puisque le côté religieux n’était pas compris, et que faute de le comprendre on le délaissait, la légitimité des enfants devenue équivoque, on conçoit comment il devint impossible de distinguer le mariage du concubinage, et comment l’empereur Auguste, dans l’intérêt de la population et des mœurs, fut conduit à donner au concu-