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appelé justa nuptiæ, c’est que par ce mariage l’homme ne prenait pas la femme avec laquelle il se mariait pour l’avoir à titre de légitime épouse (justa uxor), mais il la prenait pour l’avoir à titre de femme et de concubine. Les enfants qui naissaient de ce mariage n’avaient pas les droits de famille, ils n’étaient pas justi liberi ; ils n’étaient pas néanmoins bâtards. On les appelait liberi naturales. On appelait nothi et spuris les enfants qui étaient nés ex acorto et d’unions défendues. (Pothier, Contrat de mariage.)

« Sous l’empereur Justinien le concubinage n’était point encore aboli ; il était permis d’avoir une concubine. » (Merlin, Recueil de jurispr.)

(V. aussi Digeste, t. XXV, tit. vii, Des Concubines ; Aulu-Gelle, Nuits attiques, liv. IV, chap. iii.)

L’homme marié ne pouvait avoir de concubine : la femme avec laquelle il avait alors commerce était pellex.

Virgile, dans sa Didon, me paraît aussi avoir fait allusion à la coutume homérique de l’hétaïrat ; et c’est à mon avis très-mal entendre ce poëte, que de comparer les amours de la reine de Carthage avec celles d’une pécheresse de notre temps. Plus sévère qu’Auguste, cependant, Virgile se garde bien d’ennoblir le concubinat, et s’il a rendu Didon si touchante, ç’a été pour relever d’autant la pudicité matronale, représentée par Lavinie. L’Énéide était le chant du droit romain, comme l’Iliade et l’Odyssée avaient été le chant du droit grec, une œuvre par conséquent de haute moralité publique. Les convenances épiques ne permettaient à Virgile ni de laisser croire qu’il mît le concubinat au niveau du mariage, ni de se livrer à une description érotique qui n’eût pas trouvé son excuse dans la conscience publique elle-même.

Remarquez d’abord que Junon, la chaste et sévère déesse, préside à l’union clandestine de Didon, union qu’elle se propose de changer en un ferme et légitime mariage :

Connubio jungam stabili propriamque dicabo ;