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par les légistes en faveur de l’institution, il n’y a, si j’ose le dire, qu’un cri contre ces petits malheureux. C’est plus qu’une charge ; c’est, avant, pendant et après l’enfantement, une gêne à l’amour, gêne que leurs innocentes caresses sont loin, hélas ! de racheter. Car à l’amour proprement dit la progéniture est odieuse : il n’est pas rare de voir les animaux et les hommes s’en défaire, lorsque leur lubricité ingénieuse n’a pas su l’empêcher.

X

Devant cette complication d’embarras, provenant, soit de la défaillance inévitable de l’amour, soit de la faiblesse onéreuse de la femme et de la fragilité de ses attraits, soit enfin de l’alimentation plus onéreuse encore des enfants ; en présence de cette lassitude inévitable, de ce mécompte humiliant, de cette dépravation imminente, de cette tyrannie du plus fort qui attend la femme, de ce péril qui va frapper une malencontreuse progéniture, on devine quel a dû être, à toutes les époques, le vœu du cœur humain, et ce qui a donné naissance à l’institution mystique du mariage.

L’amour : On le voudrait réciproque, fidèle, constant, toujours le même, toujours dévoué, toujours dans l’idéal.

La femme : Quelle belle créature, si elle ne coûtait rien, si du moins elle pouvait se suffire et par son travail couvrir ses frais !

Les enfants : On s’en consolerait, s’ils ne gâtaient pas la mère, si l’amour et ses plaisirs n’y perdaient rien, si plus tard les enfants pouvaient rembourser les parents de leurs avances.

Or, le mariage, dans la spontanéité de son institution, a précisément en vue de satisfaire à ce triple vœu : c’est un sacrement en vertu duquel 1o l’amour, d’inconstant que l’a fait la nature, serait rendu fixe, égal, durable,