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père aux applaudissements de tout Israël ; témoin cette autre histoire d’Adonias, frère aîné de Salomon, qui, aspirant à la couronne, demanda pour femme la jeune Sulamite qu’était censé avoir possédée son père, et fut mis à mort, non pour sa pensée incestueuse, mais pour sa maladroite ambition.

Molière, dont l’originalité est si vantée, ne fait pas autre chose que Racine et Corneille. Nourri de la substance des anciens, qu’on peut se dispenser de connaître quand on l’a lu, il les recrée dans sa langue, et le même hexamètre qui avait servi à Corneille pour le sublime devient entre ses mains un instrument qui, par le comique, semble reculer les bornes du sens commun.

Celui que j’admire entre tous, non pour sa puissance poétique, mais pour l’intégrité de sa raison, est Boileau.

Quand je songe à l’état de platitude et d’affectation où était tombé, par la prostration catholique, le génie français au commencement du 17e siècle ; quand je vois cette obstination de mauvais goût et de pédantisme qui distinguait un Scudéri, un Cotin, un Scarron, un Chapelain et tant d’autres qu’accueillaient avec délices et la cour et la ville, j’avoue que je suis tenté de donner la palme au ferme esprit qui seul fit face au torrent, et à qui l’on ne peut reprocher la plus petite transaction.

Boileau certes n’est pas lyrique, et je lui sais presque autant de gré de son ode sur la prise de Namur qu’à Voltaire de sa Henriade. Le lyrisme, grâce au ciel, n’est pas de notre littérature ; comme la poésie épique, il appartient aux époques religieuses ; il tombe lorsque s’ouvre l’âge révolutionnaire. Je l’ai dit, nous sommes chansonniers, rien de plus. La Révolution a produit sa Marseillaise, et trente ou quarante chansons de Béranger suffiraient, par les principes déjà invoqués, à nous assurer la prééminence sur Horace, Pindare et David. Boileau, par