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toire littéraire de la Grèce et de Rome, ce que démontrerait également celle de l’Inde ; 2o que, le christianisme s’étant établi en haine de l’empire, dont il ne pouvait être que la contrefaçon, en haine par conséquent de l’épopée latine, à laquelle il substituait les écritures judaïques, cette épopée annulée, l’épicycle inauguré par Dante ne pouvait donner que des contrefaçons, et que tel est en effet le caractère de toute la littérature chrétienne.

LII

Les langues nouvelles sont formées : ce sera du moins le fruit que nous aurons recueilli des poëmes de Thérould et de Dante. La négation du monde féodal et chrétien a paru dans d’originales rapsodies, préludes de la moderne épopée. À qui appartiendra-t-il d’en être le chantre ? Ce ne sera pas à un homme : plus que jamais la grandeur du sujet s’y oppose. Ce ne sera pas même à un peuple : la Révolution est universelle ; partout où l’Évangile a été prêché, où le droit divin a régné, où la propriété quiritaire a étendu son exploitation, la Révolution a son foyer. Posons donc encore ce principe, nouveau en littérature, et qui jusqu’à ce moment pouvait être traité de paradoxe, que l’épopée révolutionnaire, en raison de son sujet et de son objet, ne comporte plus la forme poétique des épopées anciennes ; elle embrasse trop de choses, elle est trop universelle, trop polyglotte, pour affecter un idiome ; le sérieux des événements, leur profondeur, leur caractère, dépassant toute faculté poétique, ne pourrait que perdre à se voir traiter par la poésie ; leur idéal, c’est leur réalité même. L’idée épique animera toute pensée, élèvera tout sujet, fera de toute œuvre un fragment du grand poëme : il n’y aura pas d’autre suite à l’Énéide et à l’Iliade. La Révolution en vers serait quelque chose d’aussi ridicule que le Jardin des racines grecques.