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broke, Bayle, est en train de tirer des prémisses posées par les protestants le déisme, auquel Rousseau donnera plus tard la popularité ; nous ne sommes qu’à vingt ans de la naissance de Voltaire : et Milton, Milton hérétique, Milton républicain, Milton régicide, se met à chanter le Paradis perdu, la déchéance de l’humanité. Pauvre aveugle !…

Camoëns prend pour sujet de sa Lusiade la découverte du cap de Bonne-Espérance. À la bonne heure ! celui-là flaire l’avenir ; il comprend que les découvertes d’un Christophe-Colomb, d’un Vasco de Gama, d’un Gutenberg, sont d’une tout autre importance que la sortie d’Éden, le voyage aux Enfers, et la mission de Pierre l’Ermite. Camoëns travaille pour la Révolution, il fait vraiment de la matière épique ; mais je ne crois pas que j’ôte rien à sa gloire en disant que le Portugal n’est pas le genre humain, ni la géographie une profession de foi.

Que dire d’un Klopstock, 1723-1803, d’un compatriote de Kant, qui naît et meurt avec Kant, et qui s’avise de remettre sur le métier le thème messianique, quand l’Éducation de l’Humanité de Lessing, quand la tolérance de Voltaire, quand l’initiative encyclopédique de Diderot, quand la Critique de la Raison pure, de Kant, quand la Révolution tout entière, enfin, ne laissent plus rien subsister du messianisme ?… On peut juger en passant combien ridicule et anachronique était cette école slave, représentée naguère par MM. Wronski, Towianski, Mickievicz, et dont le mystère était de reprendre au profit du tsar, de la Pologne si l’on veut, la donnée épique du messie juif, pour ne pas dire de l’empereur romain.

Le moindre défaut de ces prétendues épopées est de manquer de réalité, d’actualité, d’objet, partant de génie : car il n’y a pas de génie là où l’œuvre poétique se réduit à une fantaisie individuelle, bonne peut-être pour amuser