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de l’Église, pour qui les dieux du paganisme étaient, non des chimères, mais des démons, y crurent ; les empereurs, Constantin, par exemple, avant sa conversion, Julien, avant et depuis son apostasie, y crurent tous. C’est cette croyance qui remplit le monde d’oracles, de prodiges, d’augures, de mystères ; qui fait que les biographies de Suétone et de Lampride, si positivistes, si terre à terre, fourmillent de présages et de faits divins ; que Tite-Live, Tacite, Plutarque, sont tout aussi merveilleux que l’Énéide. Mais à quoi bon ces témoignages ? il fallait que la foi à l’intervention des puissances célestes, de tout ordre et de tout grade, fût bien active, puisqu’elle donna naissance au christianisme. Et je voudrais savoir, après tout, si les miracles racontés par Virgile soit de moindre aloi que ceux de l’Évangile ?

On me dira peut-être qu’il y a bien de la différence : que les miracles de l’Évangile sont vrais, ou, ce qui revient au même, que les chrétiens les prenaient à la lettre, tandis que les idolâtres ne croyaient pas un mot des prodiges racontés dans l’Énéide ; que la légende du messie Jésus était entrée dans la vie réelle, tandis que la mythologie païenne en sortait ; que la tradition de l’Église et de la Bible était pour les chrétiens d’une tout autre autorité que ne pouvait être pour les Romains de l’empire la parole d’un lettré dont la foi religieuse était plus que suspecte, etc., etc. Tout un chapitre de différences.

À quoi je réponds par l’argument des chrétiens eux-mêmes, qu’en matière de révélation, ce n’est pas tant le miracle qui prouve la doctrine, que la doctrine qui prouve le miracle et le rend acceptable, et que sous ce rapport Virgile ne le cède point à nos évangélistes.

En entendant les vers de l’Énéide, on ne demandait pas qui avait tenu procès-verbal des séances de l’Olympe ; on disait : Le Dieu est là, il a parlé, Numen adest. Si