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un développement de l’Iliade. Eschyle et les Tragiques, Hérodote, Thucydide, Xénophon, Phidias, sont fils d’Homère. Le cycle se ferme à Platon et Démosthène. Dans une nation, tous les écrivains forment une seule famille, animés du même souffle, rapsodes du même poëme, dont le but et le plan est d’exprimer, sous toutes les formes, la pensée de leur âge et de leur race.

XL

Ces choses ont été dites, j’imagine, et je n’ai pas la prétention d’avancer ici rien de neuf. Pourquoi donc les mêmes principes sont-ils mis de côté, quand il s’agit de Rome et de l’Énéide ? Comment la haute signification de l’épopée latine est-elle si complétement méconnue, qu’à peine lui accorde-t-on plus d’importance qu’au Télémaque ?

Au sein de la Grèce même, dès le quatrième siècle avant Jésus-Christ, la raison historique de l’Énéide se décèle…

Quand la Grèce, fatiguée de ses divisions intestines et de l’imbécillité de ses démagogues, se jette, malgré la protestation de Démosthène, dans les bras du Macédonien, cherche dans la monarchie l’unité, la victoire et la paix, elle sort de la tradition homérique.

Quand Platon, oubliant le système fédératif et démocratique, publie son idéal de république, il abandonne la pensée d’Homère.

Quand Aristote écrit sa Poétique, sa Logique, sa Politique, son Histoire naturelle, sa Métaphysique, il marque le terme du développement grec, l’avénement d’un état nouveau et universel.

Quand Ératosthène prend les dimensions du globe, calcule l’obliquité de l’écliptique, dresse la carte du monde connu, il efface d’un trait de plume la terre, la mer et le ciel d’Homère.