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ne pouvoir être ni parée ni enlaidie par aucune toilette : ainsi est Homère. C’est lui faire tort et le méconnaître que de parler de son art, je dirai même de son sublime. Son style peut se comparer à celui de nos vieux poëmes de chevalerie ou chansons de geste. Un homme comme la France en compte peu, comme la Révolution jusqu’ici n’en eut guère, aussi savant que lettré, aussi philosophe que savant, à qui je ne trouve à reprocher que de s’être fait disciple quand il pouvait être maître, M. Littré, de l’Institut, a montré à ceux qui lisent le grec comme à ceux qui ne le lisent pas, ce que c’est qu’Homère. Il a traduit, vers pour vers, dans la langue des troubadours, le premier chant de l’Iliade ; et l’original n’y a guère perdu. Voilà bien la simplicité, la naïveté, la prolixité d’Homère, inimitable surtout en ce que, chez lui, l’art et la tension poétique ne se voient jamais. C’est beau parce que la nature prise pour modèle est jeune, belle, héroïque ; mais c’est vrai comme une photographie. Homère, en un mot, est divin, parce que la beauté de l’Héllade est divine.

Du reste, ce qui fit la gloire d’Homère et le succès de son œuvre, ce fut son idée. La Grèce est homérique, non-seulement dans sa religion et ses arts, elle l’est dans sa démocratie fédérale, dans son amphictyonie. Telle l’avait conçue le poète d’Ionie, telle la trouva le grand roi, quand il vint lui demander ses armes. La collection des rapsodies par les Pisistratides fut le terme de cette propagande fédéraliste, qui durait, dit-on, depuis quatre siècles. Homère, plus encore que Léonidas, Miltiade, Thémistocle, Cimon, Agésilas, Alexandre, vainquit les Perses. C’est l’Iliade qui combat et qui triomphe à Marathon, aux Thermopyles, à Salamine, à Mycale, à Arbèles…

Toute la littérature qui vient à la suite d’Homère est