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rature s’élèvera avec elle ; si la première rétrograde, la seconde tombe aussitôt.

XXXVIII

Entrons maintenant dans notre sujet.

Je distingue dans la littérature deux sortes de mouvements : le mouvement évolutif ou cyclique, et le mouvement ascensionnel, qui constitue proprement le progrès.

La connaissance du premier de ces mouvements est indispensable à l’intelligence du second.

La liberté répugne à l’uniformité. Il répugne donc à la littérature que les mêmes formes se reproduisent éternellement, comme les sphinx de l’Égypte, toujours les mêmes, dans la même attitude, depuis Menès jusqu’aux califes.

Ainsi, après Homère et les rapsodes, la veine épique est épuisée. Alors viennent les lyriques, Anacréon, Pindare. Après ceux-ci les tragiques, et presque dans le même flot les historiens, les orateurs, les philosophes. L’esprit grec, après avoir marché d’étape en étape pendant cinq ou six siècles, s’arrête tout à coup sous les successeurs d’Alexandre : viennent les Romains, et la décadence sera sans remède. Nous en verrons les causes.

L’esprit a donc d’un genre à l’autre, de l’épopée à l’ode, de celle-ci au drame, du drame à l’églogue. Puis il quitte la poésie pour la prose ; et dans le discours libre, solutâ oratione, trouve des beautés, s’élève à des hauteurs auparavant inaccessibles. Qui peut dire tous les genres, tous les chefs-d’œuvre, le nombre de siècles, que comporte un pareil cycle ? Mais jamais la littérature, pas plus que l’histoire, ne se recommence. Le verbe de l’homme, comme l’esprit de Dieu, avance toujours ; il ne se permet pas de redites : elles prouveraient son impuissance.