Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/109

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sifflait en plein théâtre ; ses lettres au sénat étaient tournées en ridicule ; les enfants et les femmes faisaient des vœux pour qu’il ne parût jamais à Rome. Il épouvantait, et, quoi que pût faire son épouse Pauline, il lui était impossible de guérir les esprits de cette épouvante.

Un des plus grands méfaits de Maximin, aux yeux de la multitude, fut d’avoir appliqué au service des armées les revenus particuliers des villes, destinés aux divertissements publics. Certes, les raisons ne manqueraient pas pour justifier une si grande tyrannie. Après tout, il fallait faire vivre le soldat, qui combattait le barbare pendant que le citadin s’amusait. Mais ici apparaît la scission qui se creuse entre l’armée et la plèbe : caractère de l’ère prétorienne, et conséquence inévitable du césarisme. Maximin ayant fait enlever des temples les statues d’or et d’argent des dieux pour les convertir en monnaie, le peuple, en quelques endroits, aima mieux se faire massacrer pour ses idoles que de souffrir une telle impiété. Un sénateur, Magnus, se révolte dans la Gaule : il est tué avec quatre mille complices, supposés ou convaincus, sans forme de procès. Quartinus, dans l’Osroène, se fait proclamer empereur ; sa tête est bientôt portée à Maximin. Enfin une coalition de riches, que menaçaient les taxes forcées de Maximin, se forme ; ils arment leurs esclaves, leurs clients, leurs paysans, et proclament les deux Gordien. Disons un mot de ces candidats.

Gordien père, vieillard de quatre-vingts ans, descendait de Trajan par sa mère, et par son père des Gracques. Il pouvait se vanter de la plus noble naissance : premier contraste avec Maximin. Protecteur des lettres et des arts, il s’était rendu encore agréable au peuple par les spectacles qu’il lui donnait, et dans lesquels il faisait paraître régulièrement cinq cents couples de gladiateurs, jamais moins de cent cinquante. Or, qu’étaient ces gladiateurs pour la plupart ? Des co-nationaux de Maximin.

Gordien fils surpassait son père pour l’aménité des mœurs, la magnificence et les plaisirs. Il entretenait à la fois vingt-deux concubines, non pas pour la montre, dit l’histoire, car il avait de chacune deux ou trois enfants. Sa bibliothèque s’élevait à soixante-deux mille rouleaux. Ses produits littéraires n’étaient