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toute possession territoriale collective, il est aisé de déduire la possession individuelle, soumise d’ailleurs à des conditions beaucoup plus compliquées que la possession nationale.

Enfin la possession collective et individuelle conduit à un troisième principe, aperçu plutôt que défini par les anciens législateurs, sacrifié par tous les utopistes, et que la société moderne est en train de perdre, tout en faisant des efforts désespérés pour le retenir, la transmission héréditaire.

Ainsi l’homme et la terre, comme l’Adam et l’Ève de la Genèse, peuvent se dire l’un à l’autre : Os de mes os, et chair de ma chair ! Unis par mariage, solidaires dans leur destinée et dans leurs mœurs, ils produisent en commun leurs générations ; et l’on ne sait lesquels, des fils de la femme ou des produits du sol, peuvent être réputés davantage enfants de la terre ou enfants de l’humanité.

La Révolution devait donner à cet antique contrat la forme solennelle ; mais ici, comme partout, la foi commence par mettre l’homme en contradiction avec la morale.

Sans doute vous ne pensez pas, Monseigneur, que ce soit par hasard que l’Église rencontre sans cesse sur son chemin la Révolution, et moi je ne le crois pas non plus. Et lux in tenebris lucet, dit Jean. Si la lumière rayonnait également de partout, ou que les corps ne donnassent pas d’ombre et fussent translucides, comment aurions-nous la sensation de lumière ? De même, sans le divorce de la conscience, comment aurions-nous compris la liberté ? Sans les fictions de la théologie et les exhibitions du culte, comment aurions-nous découvert la morale ? Sans l’Église, comment se serait produite la Révolution ?

Nous allons voir que sans le christianisme nous n’eussions jamais su ce que c’est que la possession de la terre,