Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/543

Cette page a été validée par deux contributeurs.

en revêtant la forme humaine, peut détruire les organismes qu’il crée à l’état latent ; il pourrait, s’il voulait, faire de ce globe un monceau de scories au lieu d’en faire un jardin de délices, et par la destruction du corps qu’il habite se rendormir pour jamais : donc il est libre.

Dans les systèmes où l’univers est représenté comme un royaume gouverné d’en-haut par une divinité suzeraine, le suicide d’un Caton et d’une Lucrèce n’est pas pour la liberté un témoignage sans réplique, parce que ces deux personnages sont censés dirigés par une loi céleste, à laquelle leur volonté ne fait que se conformer. Dans la théorie leibnizienne, qui sur l’indépendance des monades constitue la démocratie de la création et fait de chaque individualité un sommet, le suicide est l’acte suprême de la liberté, qui ne s’explique que par la liberté.

Obj. — Toute faculté ou fonction suppose un organisme, dont elle est à la fois le principe et le produit, l’effet et la cause : dans une philosophie réaliste, fondée sur l’observation des phénomènes, ce principe ne peut être nié. Sans organe la liberté n’est rien : quel est l’organe de la liberté ? Avec un organe le libre arbitre tombe dans le fatalisme : comment échapper à la difficulté ?

Rép. — La liberté n’a pas d’autre organe que l’homme même, jouissant de la plénitude de ses facultés. La raison de cela est que la liberté, étant la force de collectivité de l’homme, ne peut pas avoir dans l’homme d’organe spécial sans cesser d’être. Aussi la définition de l’homme par M. de Bonald, Une intelligence servie par des organes, est-elle encore plus fautive que celle de M. Pierre Leroux : L’homme est une liberté servie par des organes, des sens, des affections et des idées.

Obj. — L’histoire du genre humain témoigne d’un fatalisme ou d’un providentialisme, le nom ne fait rien à la chose, universel. La société est soumise à une évolution