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de chacun des éléments qui concourent à la produire, et surpasse en puissance la somme de leurs forces. Si donc le composé est tel qu’il réunisse en soi tous les aspects de la nécessité, nécessité physique ou organique, nécessité passionnelle, nécessité intellectuelle, la résultante sera nécessairement une liberté, puisqu’elle dépassera toutes les conditions ou fatalités de la matière, de la vie et de l’esprit. C’est pourquoi la définition de l’homme, sensation-sentiment-connaissance synthétiquement unis, est incomplète ; il faut ajouter : et donnant lieu, par leur synthèse, à une puissance supérieure, la liberté.

Obj. — Faire de la liberté une résultante, puis une fonction ; lui assigner un objet, un but, une fin ; parler de ses œuvres : tout cela est du fatalisme. Admettons que l’arbitre humain soit affranchi, par sa constitution, de toute autre nécessité ; du moins ne saurait-on nier qu’à l’égard de lui-même il est serf : les mots mêmes dont on se sert pour l’expliquer impliquent servitude. Un principe, un objet, un but au libre arbitre ; une constitution du libre arbitre, une théorie du libre arbitre : tout cela est contradictoire.

Rép. — Ici est la pierre d’achoppement contre laquelle se sont brisés tous ceux qui ont traité la question. Ils n’ont pas vu que leur argumentation, pouvant se retourner avec le même avantage contre toutes les notions de l’entendement, non-seulement ne prouvait rien parce qu’elle prouvait trop, mais qu’elle devenait, par l’universalité du phénomène, un préjugé en faveur du libre arbitre.

On sait en effet ce qui arrive de toute antinomie : aussitôt que la notion qui la porte a été niée par une première contradiction, elle se reproduit par une autre contradiction qui détruit la première. Ainsi, après avoir dit, en termes généraux, que la liberté, étant une fonction, ayant un objet, servant à une fin, n’est pas libre, nous devrons