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de nécessité pure ; que l’on ne peut pas dire que rien soit absolument fatal, rien absolument libre. Et il faut bien admettre qu’il en est ainsi, puisqu’il n’existe pas, qu’il ne saurait même exister de phénomènes qu’on puisse attribuer exclusivement à la liberté ou à la nécessité.

C’est quelque chose assurément de nous avoir fait franchir ce pas, et l’honneur en revient originairement, ainsi que je l’ai montré, à Leibnitz. Mais ici la question se représente sous une autre forme. On demande si cette liberté générale, si cette force de réaction, dont la présence se fait partout sentir dans les choses, n’existe pas à un degré supérieur et avec des qualités spéciales dans l’homme. Car, il faut l’avouer, nous ne serions guère plus avancés, nous ne pourrions pas nous dire beaucoup plus libres, et le fatalisme aurait peu à rabattre de ses conclusions, si la liberté de l’homme se réduisait à une spontanéité comme celle du corps qui gravite, de la lumière qui rayonne et se réfléchit, de la plante qui végète, de l’animal qui obéit à ses instincts, et déjà à des calculs. La spontanéité n’est pas la liberté, du moins elle n’est pas toute la liberté que l’homme réclame. Il vise plus haut : il lui faut la souveraineté et l’indépendance, il lui faut le franc arbitre ; et ce franc arbitre, tout le monde, M. Tissot lui-même, le sacrifie. Pouvions-nous l’attendre de ce dualisme mystérieux, suivant lequel la liberté n’est jamais tout à fait libre, la nécessité jamais tout à fait nécessaire ? Nous pensions avoir saisi un rayon de lumière : ne serait-ce point que nos ténèbres se sont épaissies ?

M. Dunoyer nous fera faire un pas de plus.

XXVI

M. Dunoyer, membre de l’Institut, l’un des esprits les plus originaux et des caractères les plus honorables de l’époque qui suivit le premier empire, a ce qu’il me per-