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métrique, ainsi que Descartes en avait donné l’exemple dans sa Réponse aux deuxièmes objections ; en sorte qu’on peut dire que tout en Spinoza, principe, idées, méthode, est de Descartes.

Jusqu’ici, il est impossible de voir ce que les cartésiens pourraient répondre aux spinozistes. En un être nécessaire tout est nécessaire, d’autant plus que cet être est unique, qu’il n’y a rien hors de lui ni en lui qui puisse lui fournir l’alternative de faire ou ne pas faire, affirmer ou nier, faculté qui constitue essentiellement le franc arbitre, d’après les propres paroles de Descartes. En Dieu la liberté ne pouvant naître que des motifs que lui fournissent ses créatures, c’est-à-dire ses modes, implique contradiction.

Spinoza ne s’en tient pas à la théorie de l’Être nécessaire ; il suit son maître de point en point, et jusqu’au bout. Descartes, après avoir posé l’existence de Dieu, continue par la distinction célèbre de l’esprit et de la matière : le deuxième livre de l’Éthique de Spinoza a pour titre, De l’âme. Descartes, appliquant sa philosophie à la conduite de la vie humaine, avait composé un traité des passions : le 3e livre de l’Éthique est intitulé, Des passions. En un mot, si Descartes n’avait pensé, Spinoza n’eût point écrit ; et la raison en est simple, le système de Spinoza n’est autre que celui de Descartes, émondé, corrigé, mieux lié, rendu plus complet et plus conséquent, par un génie d’une extrême vigueur, et qui, tout en suivant une piste, déploie une originalité sans égale.

Spinoza ayant donc démontré, d’après Descartes, que la liberté ne peut avoir lieu dans l’Être nécessaire, la nie à plus forte raison dans l’homme : c’est son maître qui lui fournit ses arguments.

Descartes, en effet, pour qui le libre arbitre humain se réduisait déjà à si peu de chose, avait cru que, du