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Tous les casuistes distinguent les choses de précepte d’avec les choses de conseil.

Par exemple, il est de précepte de s’abstenir du bien d’autrui en toute circonstance ; il est seulement de conseil d’assister le prochain dans son indigence, de s’exposer au danger pour le sauver des mains d’un assassin ou de la dent d’une bête féroce.

Cette différence provient de ce que le précepte est fondé sur le droit, qui est absolu, tandis que le conseil est basé sur la charité, qui relève de la munificence gracieuse. Ceci revient à dire que, si nous devons, dans nos relations commutatives, faire à autrui comme nous avons droit d’exiger qu’il nous fasse, l’obligation n’existe plus s’il s’agit d’un accident de force majeure, pour lequel nous ne sommes pas engagés envers lui. Chacun chez soi, chacun pour soi.

La maxime de charité passant après la maxime de Justice, il y aurait ainsi, et quant aux choses, et quant à la conscience, une certaine hiérarchie de droits et de devoirs.

Comment se fait-il cependant que dans certains cas la maxime de charité prime le droit, et que l’homme qui agit autrement est réputé infâme ?

Un pauvre diable, dont les enfants crient la faim, vole, la nuit, dans un grenier, après effraction et escalade, un pain de quatre livres. Le boulanger le fait condamner à huit ans de travaux forcés : voilà le droit. Le volé pouvait effacer le délit et prévenir la peine en faisant volontairement au coupable don du pain : c’est ce que conseillait la charité. Par contre le même boulanger, prévenu d’avoir mis du plâtre dans son pain en guise de farine, et du vitriol pour levain, est condamné à 5 liv. d’amende : c’est la loi. Or, la conscience crie que le propriétaire et le législateur sont des monstres ; elle les