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cela veut-il dire que, dans l’esprit de la loi, le 5 ou le 6 aient en eux-mêmes quelque chose de plus moral que le 7 ou le 8 ? Pas le moins du monde. La loi rendue par le législateur équivaut dans ce cas à un contrat synallagmatique passé entre tous les citoyens, par lequel ils s’obligent les uns envers les autres à ne jamais exiger un intérêt supérieur au taux fixé par la loi, ou, si les garanties offertes par l’emprunteur ne paraissent pas suffisantes, à ne pas prêter du tout : application directe de la maxime, Faites aux autres, etc. ; Ne faites pas aux autres, etc.

Un jour, et c’est mon ferme espoir, la science économique apprendra aux hommes à se procurer les avantages du crédit sans qu’il en coûte aucune rétribution. La loi qui décrétera cette grande réforme condamnera-t-elle, comme immorale en soi, la pratique antérieure ? Nullement. La Justice, tout en suivant le progrès de la connaissance, ne cesse pas pour cela d’être identique à elle-même. Elle ne défend que la violence, l’injure à l’homme, soit dans sa personne, soit dans ses intérêts, de quelque manière que ceux-ci soient entendus. Vienne le jour où le principe de l’intérêt du prêt ne sera plus défendu que par une minorité de capitalistes contre le vœu national, et la loi marchera avec la science et l’opinion ? Autrement elle serait immorale.

Quant à l’agiotage, je me propose, pour l’instruction de M. Oscar de Vallée et de ses collègues, d’en faire l’objet d’une monographie spéciale.

En soi, et au point de vue de la Justice, l’esclavage, la guerre, l’usure, ne sont donc rien, la polygamie rien, la continence et la luxure rien, la propriété rien, le vol pas davantage. Ce sont des situations, des accidents, des fortunes, bonnes ou mauvaises, des erreurs du jugement si l’on veut ; quant à la moralité, néant.