Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/456

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment ce qu’on ne lui dit pas. Comment la manducation de l’anguille, poisson sans écailles, viole-t-elle la Justice, alors que la manducation du brochet, poisson à écailles, ne la viole pas ? On dira peut-être qu’il y a là-dessous, comme pour la viande de porc, une raison de santé. À la bonne heure ! Mais ne confondons pas la Justice avec l’hygiène : depuis quand est-ce un péché de rompre l’abstinence prescrite par le médecin ?

Je commence à dessein par cet exemple, dans lequel il ne nous est pas possible, à nous qui ne croyons pas à Moïse et qui nous moquons de ses ordonnances, de découvrir le moindre caractère de moralité ; voici pourquoi : Rien de plus indifférent à la Justice que de s’abstenir de chair ou de poisson, n’est-il pas vrai ? Eh bien ! demandent les sceptiques, sommes-nous sûrs que nos lois les plus essentielles, celles qui touchent de plus près à l’ordre et à la moralité publique, soient mieux fondées, dans leur objet, que celle-là ?

Exemples :

Les théologiens disputent entre eux de ce qui constitue le sacrement, ou, pour employer le langage profane, le lien du mariage : si c’est le consentement des époux, ou la formule prononcée par le fonctionnaire public, ou bien la consommation de l’acte conjugal, ou bien encore la réunion de toutes ces circonstances ? Et les théologiens ne sont pas d’accord ; pour mieux dire, ils sont d’accord que rien de tout cela ne fait le mariage, et ils ne savent encore aujourd’hui ce qui le fait.

Si c’est le consentement des conjoints et leur cohabitation, pourquoi tous les couples concubinaires ne sont-ils pas, ipso facto, déclarés par la loi unis en légitime mariage ?

Si c’est la formule sacramentelle, quelle est cette vertu mystérieuse, attachée à une phrase du Code ou du Bré-