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que l’homme est par lui-même et foncièrement juste, et qu’il ne devient injuste que par autre cause. Cogito, ergo sum.

En autres termes, toute pensée de Justice est un commencement de justification, de même que toute pensée d’amour est un commencement d’amour, toute pensée de raison un commencement de raison. Comme l’amour et la raison, la Justice, même simplement pensée, ajoute à notre être, elle l’amplifie et l’ennoblit ; pareillement le vice, même simplement pensé, est pour nous une diminution de l’être, une défaillance, un avilissement.

Ainsi je suis tout à la fois sujet et objet du bien que je pense, sujet et objet du mal, selon que ma conscience pense, veut, produit : tous ces mots sont synonymes, l’un ou l’autre.

Qu’ai-je besoin à présent, pour m’avancer dans la vertu, d’un protectorat transcendantal, Dieu, Messie, Esprit saint, ou autre ? C’est Descartes qui, après avoir renversé le pyrrhonisme en posant le moi, a donné l’exemple d’abandonner aussitôt la phénoménalité du moi pour s’attacher à l’absolu, et en déduire, dans l’ordre de la Justice comme dans l’ordre ontologique, les prétendues lois. Quel fruit avons-nous recueilli de cette méthode, si bien exploitée par Spinoza, Malebranche, les Écossais et les Allemands ? Nous n’avons point de morale : le panthéisme a fini, comme l’Église, par aboutir à la destruction de la liberté et de la Justice ; et si les honorables éclectiques qui nous prêchent au nom de Dieu n’ont pas à se faire le même reproche, ils ne le doivent qu’à leur inconséquence.

Toute théodicée, je l’ai démontré à satiété, est une gangrène pour la conscience, toute idée de grâce une pensée de désespoir. Rentrons en nous-mêmes ; étudions