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nifiée sous celui du Mauvais. L’une des deux personnifications emporte l’autre ; et la prière, allant de la thèse à l’antithèse, mais en restant toujours sur le terrain de l’allégorie, finit comme elle a commencé. Les chrétiens, à l’exemple des mages, ont fait du péché un être réel, créé selon les uns, incréé selon les autres, irréconciliable ennemi du Père, dont toutes les facultés, passions et jouissances sont pour le mal, comme celles du Père sont pour le bien. C’était logique. Qui affirme Dieu, affirme le Diable ; mais comme le siècle ne croit plus au diable, et que l’Église elle-même semble en avoir honte, on me permettra de dire à mon tour que qui nie le diable nie Dieu, en tant du moins que précepteur, modèle et juge de notre moralité : car sur tout le reste je l’abandonne.

Amen. — Mot hébreu qui signifie vraiment. Quoi ! vraiment, cette enfilade d’idées mystagogiques, incompréhensibles, je parle de l’Oraison dominicale d’après l’interprétation chrétienne ; cette apocalypse, ce galimatias, ce serait là le sommaire de ma foi, la règle de ma raison, le soutien de ma vertu, le gage de mon immortalité ! Ô Père, qui es dans le ciel ! vraiment, si j’étais chrétien, je te réciterais sept fois le jour la prière que le Christ, ton fils putatif, nous a apprise, seulement pour en obtenir de toi l’intelligence.

XV

Que le Pater soit réellement de la composition de Jésus, comme le veulent les compilateurs des Évangiles officiels ; ou qu’il ne faille y voir qu’un assemblage de formules d’oraison ayant cours depuis longtemps dans les eucologes, ainsi que le soutient la critique moderne, peu importe à mon objet. C’est l’inspiration que je regarde, non le style. Postérieure de quinze siècles au Décalogue quant à la pensée et à la date, on peut dire que l’Oraison dominicale lui est antérieure de quinze siècles quant à la forme.