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cette efficacité, vous êtes forcé de reconnaître que le fait du péché, fait universel s’il en fut, la dément. Puis vous ne pouvez pas, dans votre système d’immanence, vous passer d’une excitation supplémentaire qui agisse sur l’âme à la façon de la grâce. Et quand vous vous passeriez de cette excitation, votre théorie tomberait encore, par l’impuissance radicale où vous êtes de formuler une loi et de discerner le bien d’avec le mal. Ajoutez qu’il vous reste à rendre raison de l’existence du péché, et à dire ce que devient chez vous la religion, qui ne peut pas aboutir à néant, selon vos axiomes.

« Que s’il est ainsi, poursuivent mes adversaires, des conceptions purement rationnelles de la morale, ne devons-nous pas avec le sentiment universel tirer cette conséquence : que le gouvernement de l’humanité par la Justice seule est chimérique ; qu’à des cœurs incirconcis et conténébrés il faut autre chose que l’économie politique et la presse libre ; autre chose que ce prétendu droit de l’homme et du citoyen, qui vaut sans doute en tant que confession de la nécessité d’une loi morale, mais qui hors de là est une pure déception, un indigne charlatanisme ? Et pour conclusion, ne sommes-nous pas forcés de reconnaître que pour parler aux hommes de désintéressement, de fidélité à la parole, de chasteté, pour leur faire accepter ces fortes maximes, il est besoin d’une raison supérieure qui les appuie, d’une grâce, enfin, qui les rende douces, précieuses, aux âmes les plus rebelles ?

« Car, quoi que vous fassiez, quelque lumière que vous apportent vos sciences de fraîche date, économie politique, philosophie de l’histoire, ethnographie et psychologie, il restera toujours ceci, que le lien moral, cette obligation de droit que vous invoquez, est, tout aussi bien que la foi qui l’assure, un mystère ; qu’au fond,