HUITIÈME ÉTUDE
CHAPITRE PREMIER.
I
Fénelon, au xixe livre du Télémaque, conduisant son héros aux enfers, lui donne cette leçon de théologie :
« Télémaque, voyant les trois juges qui condamnaient un homme, osa leur demander quels étaient ses crimes. Aussitôt le condamné, prenant la parole, s’écria : Je n’ai jamais fait aucun mal ; j’ai mis tout mon plaisir à faire du bien ; j’ai été magnifique, libéral, juste, compatissant : que peut-on me reprocher ? Alors Minos lui dit : On ne te reproche rien à l’égard des hommes ; mais ne devais-tu pas moins aux hommes qu’aux dieux ? Quelle est donc cette justice dont tu te vantes ? Tu n’as manqué à aucun devoir envers les hommes, qui ne sont rien ;tu as été vertueux, mais tu as rapporté toute ta vertu à toi-même, et non aux dieux qui te l’avaient donnée : car tu voulais jouir du fruit de ta propre vertu, et te renfermer en toi-même ; tu as été ta divinité. Mais les dieux qui ont tout fait, et qui n’ont rien fait que pour eux-mêmes, ne peuvent renoncer à leurs droits. Tu les as oubliés, ils t’oublieront ; ils te livreront à toi-même, puisque tu as voulu être à toi, et non pas à