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XXXV

Comment donc s’opère, dans l’ordre des sciences morales, la purgation des idées ? en autres termes, comment se constitue la raison collective ou raison publique ?

À quoi je réponds : Par l’opposition de l’absolu à l’absolu.

Vous ne comprenez pas ? La chose n’est cependant pas difficile : c’est ce que l’on nomme vulgairement liberté des opinions ou liberté de la presse.

Cela n’a rien de merveilleux, n’est-il pas vrai ? et le mérite n’est pas grand de l’avoir trouvé. Mais regardez-y de près ; voyez ce qui se passe dans un pays où les opinions sont libres, et elles le sont encore en France dans une mesure assez large pour que vous puissiez observer le phénomène ; puis vous nous en direz, après réflexion, votre avis.

L’homme est un absolu libre. J’emploie ici le mot libre de la même manière que le physicien distinguant le calorique libre du calorique latent. C’est ainsi que j’ai dit déjà esprit libre et esprit latent, pour distinguer l’intelligence qui se connaît et qui agit dans l’homme de celle dont nous reconnaissons l’empreinte et qui semble endormie dans la nature.

En deux mots, l’absolu libre est celui qui dit moi, l’absolu non libre celui qui ne peut pas dire moi.

En qualité d’absolu libre, l’homme tend à se subordonner tout ce qui l’entoure, choses et personnes, les êtres et leurs lois, la vérité théorique et la vérité empirique, la pensée comme l’inertie, la conscience et l’amour comme la stupidité et l’égoïsme.

De là le caractère de la raison individuelle, semi-absolutiste et semi-mathématique, en qui l’absolu, ainsi le veut la loi même de l’individualité, tend à occuper une place