Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/376

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et qui trouvez le peuple toujours assez riche et la cité assez libre quand le prince est magnifique !…

J’en aurais long, si je voulais tout dire ; des exemples suffisent pour montrer aux moins clairvoyants à quel abaissement cette fureur de piétisme promet de nous faire descendre. C’est la mort du génie français. La franche étude découragée, la vraie vérité proscrite, c’est à qui se fera, avec le plus d’impudence, corrupteur de la raison publique ; à qui mentira le plus lâchement à sa science et à sa conscience, falsifiant les faits, dénaturant la langue et travestissant l’histoire.

Pour le progrès de l’œuvre, l’hypocrisie des vivants ne suffisant pas, on conversionne les agonisants, on exhume les trépassés. Lamennais a fini dans l’impénitence, ce n’a pas été sans peine ; mais le corps d’Arago a passé par l’église, Béranger a reçu son pardon : en faut-il davantage pour dire qu’ils se sont réconciliés ? Les journaux ont parlé des morts édifiantes du maréchal Saint-Arnaud et du comte Raousset-Boulbon, l’aventurier de la Sonora. Henri Heine, grimaçant contre l’Éternel, a fini par des compliments à l’Église et aux jésuites. On en promet d’autres. M. Nicolas cite des documents posthumes desquels il résulte que Cabanis, Broussais, Jouffroy, Hégésippe Moreau, sont morts en confessant la foi du Seigneur. Car ce n’est pas assez de damner l’incrédule, il faut, pour la gloire de l’Église, que l’incrédulité ne se soutienne pas. Damnés et confondus dès cette vie, c’est ainsi qu’elle nous veut, comme ces assassins qui disentàa leur victime : Abjure, et puis, Meurs !

XXXIII

Le comble de l’aberration a été d’avoir rendu la Révolution complice de ce système de mensonge, en faisant d’elle un produit, que dis-je ? le complément de la révéla-