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nomme les bonnes doctrines, c’est la condition obligatoire, sont-elles en général si ennuyeuses, si vides, si nulles ?

Pourquoi feu M. le ministre de l’instruction publique Fortoul adressait-il à un professeur son subordonné cet étrange reproche : Vous n’êtes pas chrétien dans vos cours ! ce qui lui attirait cette réplique : Monsieur le ministre, je ne suis ni chrétien ni antichrétien, je fais de la science ?…

C’est, je le répète, qu’en fait de morale, le monde en est resté au probabilisme et aux jésuites. Dieu est le grand Peut-être sur lequel, en dépit de notre libertinage, ou plutôt en châtiment de notre libertinage, nous continuons de fonder notre police ; car, vraiment, j’aurais honte de dire notre Justice. Il nous faut, tant nous nous sentons indignes, un sujet du bien, du beau, du juste, du vrai, autre que nous-mêmes ; un sujet de la foi conjugale autre que l’époux et l’épouse ; un sujet de la famille autre que les parents et les enfants ; un sujet de l’État autre que le citoyen et le travailleur. Et comme il faudra tôt ou tard réaliser ce sujet hyperphysique, lui trouver une expression vivante, un organe, un héraut, on nous verra, dévots de l’absolu, aboutir à l’absolutisme pontifical, impérial, dictatorial, saint-simonien. Le sujet mystique, antérieur, supérieur, extérieur et entremetteur de notre droit et de notre devoir deviendra Innocent III, Charlemagne, Robespierre ou Enfantin.

Accourez maintenant, pour donner à ces conceptions sublimes les embellissements de votre art, poëtes, statuaires, musiciens, décorateurs ! Qui aurait le courage de vous accuser, enfants perdus de la fantaisie et du caprice, incapables de ne parler qu’après avoir réfléchi ; enthousiastes dont le lyrisme se sent d’autant plus à l’aise qu’il respecte moins la raison et la mesure ; pour qui la Justice signifie bénédiction, la morale plaisir, le travail largesse,