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bon sens ni bonne foi, et ce que je dis ici de l’exégèse chrétienne, je le dis de toute religion, de la religion prétendue naturelle comme des autres.

Prenons un exemple.

Le saint roi Ézéchias tombe malade. Le prophète Isaïe, après lui avoir déclaré qu’il mourrait, vient ensuite lui annoncer de la part de Dieu que la guérison lui est octroyée ; et pour preuve, ajoute le voyant, je vais faire avancer ou reculer, à ton choix, l’ombre au cadran solaire.

On sait la réponse du bon Ézéchias. Il n’est pas difficile de faire avancer l’ombre, dit-il, fais-la reculer !…

Mais le néophyte qui sait son astronomie, sa théorie de la lumière, demande ce que cela veut dire. On essaie toutes les explications, physiques, cosmographiques, philologiques ; bref, la foi est forcée de convenir que l’explication, au point de vue de la raison scientifique, est impossible ; que cela signifie en gros que Dieu fit pour Ézéchias une chose qui lui parut être un miracle ; que pour le surplus le récit est allégorique, et le fait qu’il rapporte un mystère ; qu’on ne saurait, sans s’exposer à rendre le texte sacré solidaire d’une interprétation ridicule, en dire davantage.

Or, il en est ainsi, au point de départ, de toutes les révélations et de tous les miracles : ce sont toujours des mystères racontés dans un langage mystérieux, ce qui est l’inintelligible élevé à la seconde puissance.

Pour sortir de cette impasse, au fond de laquelle la foi courait risque de rester prisonnière, il a bien fallu chercher des hypothèses, entasser tes sophismes, alambiquer, falsifier les textes, tordre les noms et les verbes. C’est ici que commence le rôle des conciliateurs, ce que Michelet a appelé la vaccine de la vérité, et que nous passons de l’inintelligibilité au mensonge.