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N’avais-je pas le droit, moi simple laïque et amateur de curiosités philologiques, de renoncer à une théorie que l’abbé Chavée, plus savant qu’orthodoxe, réprouve ?

Pourquoi, ensuite, s’il plaisait à la cour de traduire à sa barre mon grec et mon hébreu, n’a-t-elle pas fait lire aussi le manuscrit envoyé à l’académie des inscriptions, et dont j’avais fait parvenir copie à mon avocat ? Ce manuscrit, de 104 pages in-folio, portant la date de 1839, n’avait pas été composé sans doute en prévision de l’appel de 1853. Peut-être aurait-il donné le secret de mes variations grammaticales, et refroidi l’enthousiasme de l’auditoire.

« Et les juges, écartant le point de droit pour statuer sur le fait, donnent gain de cause au libraire. »

Tout cela est vrai, et les informations de mon historien sont d’une exactitude à me faire croire qu’il était aussi bien alors avec les cours d’appel qu’avec les archevêques. Ne serait-ce point encore vous, Monseigneur, qui auriez suggéré à la cour de Besançon cette manière de rendre son arrêt irréformable, en écartant le point de droit, et statuant seulement sur le fait ? Obstiné, comme vous savez que je suis, je voulais porter l’affaire en cassation. Un ancien camarade, avocat auprès de la cour suprême, m’en détourna précisément par la raison que rapporte mon biographe. « La cour de Besançon, me dit-il, a rédigé son arrêt de manière à rendre ton recours fort chanceux, pour ne pas dire inadmissible. Elle a écarté de ses considérants le point de droit sur lequel s’était appuyé le tribunal de commerce, et qu’elle n’a pas même contesté ; et elle s’est bornée à apprécier les faits, ce qu’il lui appartenait de faire définitivement. »

« M. Proudhon resta chrétien par arrêt de la cour ; et vraiment la justice franc-comtoise ne manque pas d’esprit. »