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XXXVIII

Quelle est l’intuition primordiale du génie humain ?

L’idée d’équilibre. Tous les instruments rudimentaires du travail sont des variétés du levier ; c’est le point immuable auquel se ramène toute opération industrielle. Detur mihi punctum, et terram movebo.

Comment, sous la provocation de la spontanéité, s’est allumée l’intelligence ?

Par la pratique inévitable de l’analyse. Tous les instruments du travail sont des instruments analytiques ; toute opération industrielle se résout en une production ou rupture d’équilibre.

L’idée abstraite est sortie de l’analyse forcée du travail : avec elle le signe, la métaphysique, la poésie, la religion, et finalement la science, qui n’est que le retour de l’esprit à l’équilibre.

Le plan de l’instruction industrielle, sans préjudice de l’enseignement littéraire et scientifique qui se donne à part et en même temps, est donc tracé : il consiste, d’un côté, à faire parcourir à l’élève la série entière des exercices industriels, en allant des plus simples aux plus difficiles, sans distinction de spécialité ; — de l’autre, à dégager de ces exercices l’idée qui y est contenue, comme autrefois les éléments des sciences furent tirés des premiers engins de l’industrie, et à conduire l’homme, par la tête et par la main, à la philosophie du travail, qui est le triomphe de la liberté.

Les sciences elles-mêmes n’ont pas d’autre objet. Cette réduction à de simples signes, à quelques formules abstraites, de tant d’observations, d’expériences, d’entreprises, d’efforts, qui constitue le savoir réfléchi de l’humanité, n’est à d’autre fin que de loger dans un cerveau de trois ou quatre décimètres cubes une somme d’idées