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du dehors, ou d’une circonstance particulière qui en tienne lieu. Quelle sera, pour l’homme primitif, cette circonstance ? Je l’ai dit, sa propre industrie.

Le castor élève sa maçonnerie, l’oiseau bâtit son nid, l’abeille construit son rayon, l’araignée tend sa toile, tous les animaux exercent leur industrie d’après un type intérieur, dont ils ne s’écartent jamais.

Rien de semblable ne se voit chez l’homme. Il n’a pas d’industrie prédéterminée. Son génie n’est point spécialiste, il est universel. Il agit d’après une intuition simple, mais synthétique, positive, expérimentale, et d’une compréhension si vaste, que ses actes ne peuvent avoir rien d’uniforme, et sont susceptibles au contraire d’une variété infinie. C’est l’idée de rapport, convenance, équation, égalité, accord, équilibre : idée synthétique dont la simplicité n’est égalée que par sa fécondité même.

Cela se découvre nettement dans le langage primitif, où, pour dire qu’un homme est capable ou incapable de faire une chose, qu’il en a ou n’en a pas la force, le génie, le talent, la science, on dit simplement qu’il est égal ou inégal à cette chose, par, impar oneri ; qu’il est ou n’est pas de poids, minùs habens, etc.

Or, il est de la nature de cette intuition fondamentale, qui constitue à l’origine tout le génie humain, que toute action qui en est la conséquence implique tout à la fois et nécessairement production d’équilibre et destruction d’équilibre. C’est même sous ce dernier aspect qu’elle se manifeste de préférence, l’action de l’homme, dans l’état de nature, consistant surtout à attaquer et se défendre.

Il en résulte que les premiers instruments de l’industrie humaine, armes offensives ou défensives, sont des instruments analytiques. C’est encore ce qu’exprime la langue native, pour laquelle, détruire (de-struere, déconstruire) est la même chose que décomposer, diviser,