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C’est que la puissance qui dirige la main de l’ouvrier est la même au fond que celle qui fait réfléchir le cerveau du philosophe, et que, l’intelligence ne pouvant s’éveiller à l’idée, à la vie, que sur un signe de l’intelligence, il fallait de toute nécessité, pour que l’homme entrât dans cette carrière intellectuelle, qu’il y fût porté par une suite d’opérations émanées de lui-même, et qui, analyse par la multiplicité des termes, synthèse par leur ensemble, fût pour lui comme une manifestation de l’intelligence même. L’homme, en un mot, ne pouvait avoir d’autre révélateur, d’autre Verbe que lui-même : contradiction insoluble dans l’ancienne psychologie, mais que la seule inspection de l’alphabet industriel, aux caractères à la fois spontanés ai significatifs, lève à l’instant.

Expliquons cela d’une manière plus précise, si faire se peut.

Le propre de l’instinct, forme première de la pensée, est de contempler les choses synthétiquement ; le propre de l’intelligence, au contraire, est de les considérer analytiquement. Or, bien que l’intelligence ne soit elle-même que l’instinct en évolution, l’homme seul, entre les animaux, parait jouir de cette prérogative, ce qui veut dire que seul il a la faculté de concevoir l’idée abstraite, dès qu’elle lui est signalée dans son intuition. Mais l’intelligence n’est pas donnée d’emblée, comme l’instinct ; ce n’est d’abord qu’une virtualité endormie, qui n’arrive à la possession d’elle-même que par un long exercice, et sur un appel énergique de la spontanéité qui la précède : car l’homme a aussi l’instinct de son intelligence. Pour que l’esprit devienne capable d’analyse, il faut donc qu’il soit conduit pas à pas, que sur chacun des termes dont se compose la totalité de l’intuition il s’arrête, les reconnaisse l’un après l’autre, et les nomme. Or, c’est ce qui ne pourra se faire qu’à la condition ou d’une initiation