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la nature ; où l’intelligence, prête à s’élancer, n’a pas dépouillé les formes de l’instinct ; où par conséquent le concept métaphysique, sans lequel il n’est pas de raisonnement, reste enveloppé dans l’image ; où le rapport enfin, qui pour être perçu dans sa plénitude exige que l’intuition qui le fournit soit analysée dans ses concepts, est engagé sous le phénomène.

À cet instant-là, que pouvons-nous attendre de l’homme, qui déjà pense sans nul doute, puisque sentir et voir c’est penser, mais qui, faute de signes, est incapable de dégager ses notions, partant d’analyser sa pensée ? — Une seule chose, des actes.

L’activité spontanée, irréfléchie, et qui n’attend pas, dans la certitude intime qu’elle a d’elle-même, les confirmations d’une science professe : voilà à quoi se réduit, pour l’homme primitif, le mouvement de l’esprit.

Toute la question est maintenant de savoir si cette activité peut devenir la révélatrice de l’intelligence ; en autres termes, si les faits que l’homme produit sous la seule instigation de son instinct peuvent devenir des signes pour son esprit, de telle manière qu’il soit tout à la fois, de lui-même à lui-même, par l’appel de sa spontanéité et la réponse de son intelligence, initiateur et initié ?

Or, on ne doutera pas que les choses ne doivent ainsi se passer, si l’on réfléchit que l’activité, pénétrée, saturée d’instinct, si je puis m’exprimer de la sorte, est ce qui ressemble le plus à l’intelligence, à telle enseigne que les enfants ne distinguent pas les actes instinctifs des actes réfléchis, et que c’est pour le sauvage une source permanente de fétichisme. Dans ces conditions, l’activité apparaît comme la cause première de l’excitation des idées, comme le Verbe primitif qui illumine tout à coup la conscience humaine, il suffit, pour que le miracle se produise, que cette activité se manifeste, qu’elle étale,