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C’est avec cela que l’homme aborde la phénoménalité extérieure et sa propre essence ; qu’il observe, calcule, ramène tout à des lois de plus en plus générales, et élève l’édifice à jamais inachevé de son savoir.

Mais comment l’homme a-t-il inventé le signe ?

Qui dit signe dit déjà abstraction, concept, et nous n’en sommes encore qu’à la sensation. Le signe suppose la préexistence d’une idée générale, qui elle-même suppose la préexistence d’un signe ; c’est ainsi du moins que nous sommes forcés d’en juger, nous qui n’apprenons rien autrement. De sorte que, comme Rousseau le remarquait de la parole, nous tournons dans un cercle infranchissable. Si l’œuf est sorti de la poule, ou si la poule est sortie de l’œuf ! Qui débrouillera ce mystère ?

Les partisans de la révélation primitive, chrétiens et néo-platoniciens ou éclectiques, ne sont pas embarrassés. L’homme, formé de limon par la main du Créateur, a été instruit par les anges, qui lui communiquèrent, avec la parole, les premiers éléments des connaissances. Prisonnier du corps et courbé vers la terre, l’esprit de l’homme ne saurait rien de ses propres lois, s’il n’en eût été informé par un commerce avec les dieux. C’était la théorie de M. de Bonald, c’est la philosophie de MM. Jean Reynaud et Lamartine.

Si le fait était prouvé historiquement, ce serait quelque chose de si énorme que par respect du Créateur et de la création la raison se refuserait encore à l’admettre : comment le recevrait-elle quand il ne lui est permis d’y voir qu’une vaine induction de l’ignorance ?

XXXII

La question des origines nous reporte à ce moment de la civilisation où l’esprit humain, dépourvu des engins scientifiques, agit à la manière de l’esprit latent qui anime