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enfin écrasée dans l’affreuse guerre de Judée. Et ceux qui un moment avaient cru à la fin de l’empire, qui l’avaient souhaitée peut-être, durent se résigner à n’attendre de relâche que de l’empire même.

Trois fois domptés, sous les Pharaons, les Nabuchodonosors et les Césars, les Juifs semblaient le mythe vivant de la servitude. Leur histoire, d’un bout à l’autre, devenait une allégorie, un type. L’allusion fut saisie avidement, creusée, développée : l’idée messianique, qui d’ailleurs rencontrait partout des analogues, servit de mot d’ordre. Le plus respectable et le plus infortuné de tous ces représentants de l’idée messianique, que la politique romaine avait envoyés l’un après l’autre au supplice, un nommé Jésus, nouveau Moïse, nouveau Josué, nouveau David, nouveau Zorobabel, nouveau Macchabée, fut déclaré Sauveur, peut-être parce que moins qu’aucun autre il s’était montré hostile aux Romains. Jamais il ne parla d’émanciper les esclaves ni d’affranchir son pays ; et jamais cependant novateur ne fut si bien compris à demi-mot, entouré d’une popularité pareille. Lui mort, ses disciples, fidèles à l’ordre, se dérobent à la persécution des zélateurs ; la haine que leur portent les Juifs les sauve de l’animadversion des Romains, et le christianisme est fondé sur les ruines de Jérusalem, dans le sang et la graisse de un million trois cent quarante mille Juifs de tout âge et de tout sexe, dernier holocauste à Jéhovah.

XXV

Le rôle des chrétiens, pendant la guerre de Titus et celle d’Adrien, ne fut pas le plus héroïque. Un mot les excuse : la liberté ne pouvait plus être revendiquée par les armes ; le combat devait être livré aux institutions. Quand la guerre de nationalité, combinée avec la guerre civile,