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ses auteurs et prendre l’Église par ses écritures, il y aurait lieu de concevoir quelque soupçon. Mais, à moins de nier l’évidence et de fausser l’histoire, on ne peut pas limiter le sens du mouvement chrétien aux termes des écrivains ecclésiastiques ; je dis plus, dans les circonstances où fut posée la réforme évangélique, et avec elle la question de l’esclavage, il y a bien plutôt lieu de s’étonner que l’Église ait su esquiver la responsabilité périlleuse que cette question faisait peser sur elle, que de se demander quel en est l’auteur.

Les causes qui du premier au sixième siècle de notre ère déterminèrent l’abolition de l’esclavage, causes qui s’associèrent à l’idée messianique, et ne formèrent à la longue qu’un tout avec le christianisme, furent :

1o La réaction des nations vaincues, livrées en pâture à la plèbe romaine et à la domesticité des Césars ;

2o L’unité impériale, qui sur les ruines de l’ancienne constitution patricienne opérait insensiblement la fusion des cultes, des conditions et des castes ;

3o L’admission progressive des provinces au droit de cité, qu’imposaient, avec une nécessité croissante, le manque d’hommes et la pression des événements ;

4o Les bénéfices que les propriétaires d’esclaves avaient fini par trouver dans l’affranchissement. — Aussi bien que les économistes modernes, ils savaient que l’esclave est une propriété chanceuse, de difficile exploitation, et que le meilleur parti à en tirer est de le constituer, en quelque sorte, fermier de sa propre personne. Dès le temps d’Auguste, cette pratique s’était multipliée au point qu’il crut nécessaire de retenir le torrent des émancipations ;

5o L’invasion des Barbares.

Dans tout cela, j’en conviens, il ne paraît ombre de mysticisme. Mais, ainsi que déjà nous l’avons observé, une