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L’Église, par exemple, ne se mêle pas du travail des mains ; elle ne connaît point des opérations industrielles, agricoles, extractives, voiturières ; de la conduite des ateliers, du service des bureaux, magasins, etc. Tout cela cependant compose les mœurs ou formes de la production, dont l’influence est si grande sur l’esprit et le cœur. L’apprentissage ne la regarde pas.

L’Église n’est pas moins étrangère aux sciences. Il se peut que parmi ses membres elle compte des savants, tels, par exemple, que le fameux Gerbert, qui malgré sa réputation de sorcier fut fait pape sous le nom de Sylvestre II. Mais ce n’est pas en tant que prêtres qu’ils sont savants ; et il est de fait que pour ce savoir, emprunté d’ailleurs et que l’Église qualifie de profane, ils n’en sont pas estimés davantage. L’Église, en vertu de son institution, n’eut jamais la moindre initiative dans la science : elle l’a souvent persécutée, battue, pour les services qu’elle rendait, sans privilége de l’Esprit saint, à l’humanité ; et plus que jamais elle s’en méfie. Quand Grégoire XIII voulut réformer le calendrier, il s’adressa à un savant non ecclésiastique, Lilio ; quand Galilée, poursuivant la science de Lilio, essaya de l’accommoder à la foi chrétienne, il fut torturé par l’inquisition ; et quand Mabillon, au rapport de Genoude, empêcha une congrégation romaine de déclarer hérétique l’opinion qui soutient que le déluge de Noé ne fut pas universel, ce ne fut point assurément comme théologien qu’il se fit écouter, mais comme savant, et surtout conseiller prudent. On ne finirait pas à raconter de telles histoires.

Cependant on peut dire que la science, comme le travail, a aussi ses mœurs, dont l’action sur la moralité générale est incalculable : ce sont ses méthodes, ses classifications, analyses, hypothèses, etc., dont l’accoutumance fera toujours regimber l’esprit contre la foi.