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dale établie sur le sol, s’organisa le salariat industriel, apanage du bourgeois. Si bien enfin qu’à la ville comme à la campagne, dans l’industrie comme dans l’agriculture, reparut, avec la sanction religieuse et plus florissante que jamais, l’exploitation de l’homme par l’homme. On en a trop parlé dans ces derniers temps pour que je m’y arrête.

Les choses ainsi réglées, arrive la Révolution. Du même coup elle abolit le régime féodal et le privilége corporatif, pose les bases d’un enseignement nouveau, proclame l’industrie et le commerce libres ; en un mot, promet au travailleur, par le fait de l’instruction égale et de la concurrence universelle, l’entière disposition de ses bras et de sa personne. Du reste, la Révolution n’a pas eu le temps d’expliquer sa pensée et de rien organiser ; elle s’est bornée à faire table rase de l’ancien régime et à rendre l’institution nouvelle possible.

Or, depuis tantôt soixante et dix ans que la place a été nettoyée, que s’est-il produit ?

Dans les faits, rien que de négatif : d’abord une anarchie extrême, dont les commencements, grâce au régime qui avait précédé, purent paraître heureux, mais qui bientôt donna les fruits les plus amers ; puis un commencement de retour au régime corporatif, hautement exprimé par le développement des sociétés anonymes.

Dans les idées, force théories, utopies et systèmes, qu’il est permis de ramener à trois groupes principaux, répondant aux mots avant, pendant, après, suivant que les auteurs se rattachent à la tradition féodale, ou qu’ils prétendent consacrer le statu quo révolutionnaire, ou enfin, qu’ils affirment la nécessité d’une reconstruction égalitaire et libérale. Déjà même, ces trois groupes tendent à se résoudre en deux, dont l’un représente l’avenir, l’autre le passé, ou, ce qui revient au même, la Révolution et la contre-Révolution.