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l’existence est pleine : c’est une fête, un chant d’amour, un perpétuel enthousiasme, un hymne sans fin au bonheur. À quelque heure que le signal soit donné, l’homme est prêt : car il est toujours dans la mort, ce qui veut dire dans la vie et dans l’amour.

LIV

Quel sens pourrait donc avoir pour moi, soit au point de vue de la morale, soit au point de vue de la destinée, cette hypothèse de désespoir, devenue un principe de religion dans les sociétés tyrannisées : S’il est une autre vie après la mort ?

Je conçois qu’une ontologie effarée, trouvant une contradiction dans ces deux termes qui embrassent toute vie, paraître et disparaître, cherche la solution de cette antinomie dans une éternité de l’être où les formes passagères se reproduisent sans fin ; où par conséquent les personnes et les physionomies se retrouvent ; où chaque moi, épuisé par une première évolution, ressuscite pour une autre ; où tout exemplaire de notre essence organique, donné à tel moment de la vie collective par un concours de circonstances qui ne doit pas revenir, et conçu comme individualité substantielle, âme, ou monade, reparaisse avec ses modes, ses facultés, son caractère, ses souvenirs, et le sentiment de son identité inviolable. Je conçois, dis-je, qu’une spéculation que rien n’arrête agite ces curiosités psycho-théologiques : de quelle utilité peuvent-elles être pour ma destinée présente, pour la règle de mes mœurs, pour la félicité de ma vie et la suavité de ma mort ?

Par ma naissance, par ma famille, par mes amours, je me sais en communion organique avec toute mon espèce ; par mon travail, je me sais en communion avec toute la nature ; par ma justice, je me sais en communion avec la société : je suis en communion avec tout l’univers. Grâce