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discipliné dans le désert et conduit victorieux dans la terre de Chanaan, mourut dans le baiser de Jéhovah.

Le psalmiste exprime la même idée, Beati qui in Domino moriuntur, c’est-à-dire, selon l’énergie du langage mythique, qui sous le nom de Dieu entend la collectivité sociale : Heureux ceux qui meurent dans l’accolade de leur peuple ! Qui ne voudrait ainsi mourir ?

En résumé, la vie humaine atteint sa plénitude, elle est mûre pour le ciel, comme dit Massillon, quand elle a satisfait aux conditions suivantes :

1. Amour, paternité, famille : extension et perpétuation de l’être par la génération charnelle, ou reproduction du sujet en corps et en âme, personne et volonté ;

2. Travail, ou génération industrielle : extension et perpétuation de l’être par son action sur la nature. Car comme je l’ai dit plus haut, l’homme a aussi un amour pour la nature ; il s’unit à elle, et de cette union féconde sort une génération d’un nouvel ordre ;

3. Communion sociale, ou Justice : participation à la vie collective et au progrès de l’Humanité.

L’amour et la paternité peuvent se suppléer par la consanguinité, par l’existence au sein d’une famille d’adoption, surtout par le travail. Le travail est le vrai suppléant de l’amour. L’homme, dans les affections même que fait naître en lui la vitalité, n’est point tellement asservi à l’organisme qu’il en doive fatalement remplir toutes les fonctions : l’amour chez les âmes d’élite n’a pas d’organes.

Le Travail et la Justice ne se remplacent point, ne se suppléent pas.

Si ces conditions sont violées, l’existence est anxieuse ; l’homme, ne pouvant ni vivre ni mourir, appartient à la misère.

Si au contraire ces mêmes conditions sont remplies,