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Testament, par Royaumont, 1 vol. in-12 ; 2o deux fois les Vies des Saints, extraites de Godescard, aussi in-12 ; pendant que certains de mes camarades, mieux qualifiés, recevaient de bons ouvrages de littérature et d’histoire. Si, me disais-je, le clinamen était la loi de l’univers, c’est juste le contraire qui arriverait. Moi, qui suis pauvre, et qui ne peux pas même acheter mes livres de classe, je fais le vide, et les piles de prix devraient m’échoir en raison de la pesanteur. Il faut donc qu’une autre force les détourne. Il y a de la Providence là-dessous !… Ah çà ! voudrait-elle faire un Stanislas Kostka du fils du tonnelier ?… Cette réflexion, qui était en même temps une explication telle quelle du phénomène, eut pour moi un double avantage : d’abord, de me préserver de l’envie, ensuite de me mettre sur mes gardes.

M. de Mirecourt cite un autre trait de la dureté de mon âme :

« À l’époque de sa première communion, les maximes chrétiennes ne peuvent terrasser son orgueil. »

Serais-je noté sur les registres de la paroisse ? Peste ! quelle police !

J’avais un peu plus de dix ans quand je fis ma première communion, et n’avais lu à cette époque que l’Évangile et les Quatre Fils Aymon. J’étais dans la plénitude de mon innocence ; et si le curé Sirebon, qui me confessait, était de ce monde, il vous en raconterait des traits risibles. Sa prudence, à coup sûr, y allait plus vite que mon étourderie. Le plus gros péché dont j’aie souvenance est qu’au sermon de la Passion qui nous fut prêché l’avant-veille de ce grand bonjour, les filles, dont les bancs étaient placés vis-à-vis de ceux des garçons, pleuraient à chaudes larmes, et que cela me donnait envie de rire. Vous figurez-vous ces Madeleines de dix à onze ans ?… À cet âge, je ne pouvais guère comprendre le cœur féminin