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la société est impossible : nous l’éprouvons aujourd’hui, comme les Grecs et les Romains l’éprouvèrent (Voir au Prologue) ; — en second lieu, qu’en l’absence d’un principe juridique, la force et la fraude redevenant la seule loi, la liberté, malgré toutes les polices et les combinaisons de l’assurance, est supprimée, ce qui rend le système contradictoire.

Je reviens donc à mon propos, et je dis :

Quelle que soit la Justice et de quelque nom qu’on l’appelle, la nécessité d’un principe qui agisse sur la volonté comme une force et la détermine dans le sens de l’intérêt général, indépendamment de toute considération d’intérêt propre, cette nécessité est incontestable. La société ne peut pas dépendre des calculs et des convenances de l’égoïsme ; les actes de l’humanité tout entière, dans ses ascensions et dans ses rétrogradations, en témoignent.

Ce principe, cette force, il s’agit d’en constater l’existence, d’en analyser la nature, du même coup d’en donner la formule ou définition. Trouver la réalité de la Justice et la définir, en indiquer les applications générales, c’est aujourd’hui toute l’éthique : la philosophie morale, jusqu’à plus ample manifestation de la conscience, ne saurait aller au delà.

Or, il y a deux manières de concevoir la réalité de la Justice, et par suite de la déterminer :

Ou bien par une pression de l’être collectif sur le moi individuel, le premier modifiant le second à son image et s’en faisant un organe ;

Ou bien par une faculté du moi individuel qui, sans sortir de son for intérieur, sentirait sa dignité en la personne du prochain avec la même vivacité qu’il la sent dans sa propre personne, et se trouverait ainsi, tout en conservant son individualité, identique et adéquat à l’être collectif même.